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MÉMOIRES.

geois[1] la compagnie ! Que devenir maintenant qu’il a trois ans de plus ! J’en avais tout mon roide à lui donner le fouet dès l’âge de sept ans !

En effet ! lorsque la mère s’armait de verges pour fouetter le petit démon, et que toute résistance, après un long combat, devenait inutile, il offrait lui-même la partie assiégée, et criait pendant tout le temps que durait la correction : frappe ! frappe ! qu’il accompagnait de jurons, et des injures les plus sanglantes contre elle.

— Oui ! oui ! dit la Bezeau, je savais bien que le malheureux se ferait chasser pour finir par se faire pendre quelque part !

— Comment, madame ! dit le bourgeois, lui se faire pendre ! lui un mauvais sujet ! Mais cet enfant me vaut à lui seul dix de nos meilleurs hommes ! C’est un interprète sans prix pour nous : il a appris avec une facilité étonnante les langues des Indiens avec lesquels nous trafiquions ! Se faire pendre ! en voilà une idée celle-là ! Je l’ai amené ici pour le récompenser des bons services qu’il nous rend, et voici une bourse pour lui acheter des hardes, afin qu’il fasse le faraud pendant les trois semaines qu’il passera à Québec ; et j’entends qu’il ait toujours quelque monnaie dans sa poche pour traiter ses jeunes amis.

La mère Chôlette sauta au cou de son précieux nourrisson, lequel pour la remercier, lui fit une harangue en excellent esquimaux.

  1. Le peuple appelait « bourgeois » les associés du Nord-Ouest et se la Baie D’Hudson, et même de nos jours ceux qui emploient la classe ouvrière. Ils disent encore ; « je suis au service d’un bon bourgeois. »