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MÉMOIRES.

Les deux pensionnaires, Paschal Taché et Gaspard Couillard, étaient pourtant les deux enfants les plus doux, les plus aimables de la ville de Québec : c’était probablement à cause de ces qualités que Chôlette les aimait moins que moi.

Nous fîmes rencontre, en sortant de la maison, l’après-midi, d’un vieil Allemand, marié à une cousine de mon compagnon.

— Où allé fous ? dit l’Hanovrien.

— Nous allons voir une bête curieuse, débarquée hier à Sillery, fit Chôlette : viens avec nous.

— Tiable ! tiable ! la pête il être donc pain curieux pour marcher si loin ? Il faire un chaleur d’enfer !

Il faisait en effet une de ces chaleurs étouffantes du mois de juillet, à foudroyer un Éthiopien. Mais Ives l’ayant assuré qu’il ne regretterait pas ses peines ; que c’était l’animal, à ce qu’on lui avait dit, le plus extraordinaire qui eût jamais paru dans le Canada, le cousin consentit à faire le voyage avec nous.

Nous passâmes par l’Anse-des-Mères, distante d’une bonne lieue de Sillery, où nous arrivâmes enfin après maints arrêts, pour laisser reposer notre vieil Allemand, dont la langue desséchait dans la bouche, malgré les fréquentes libations d’eau fraîche qu’il faisait, grâce au fleuve Saint-Laurent, dont nous suivions les bords.

Voulez-vous nous laisser voir, dit Chôlette à une servante d’un joli cottage situé à Sillery au bas d’une colline, la bête curieuse que vous avez ici ?

— Derrière la maison ; répliqua la grosse fille, en s’éventant le visage à tour de bras avec son tablier.