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MÉMOIRES.

En 1756, il fut fait capitaine, il passa l’espace de six mois au portage de Carillon, sous les ordres de M. de La Corne, et l’hiver suivant il fut commander au fort Saint-Frédéric, où il a été jusqu’au printemps de 1757, où on lui donna l’ordre de se rendre au portage de Carillon, pour y commander, et de là il a fait la campagne, sous les ordres de M. de Montcalm, pour la prise du fort George.

En 1758, il a eu ordre de se rendre à Carillon, où il est resté pendant l’été, sous les ordres de M. de Montcalm, et s’est trouvé à l’affaire du 8 Juillet, où les ennemis furent repoussés avec grandes pertes.

En 1759, il eut ordre, dès le printemps, de se rendre à Carillon, jusqu’à l’évacuation qu’on a faite de ce fort, pour y commander deux piquets des troupes de la marine ; et de là il s’est rendu à l’Île-aux-Noix, où il est resté jusqu’à la dernière saison.

En 1760, il se trouvait à la bataille gagnée sur les Anglais, le 28 Avril, après laquelle, ayant accepté la place de capitaine des grenadiers que l’on avait formés des troupes de la compagnie, au lieu de M. de La Ronde Denis, qui avait été tué dans l’affaire ; il a commandé cette compagnie pendant le siège et à la tranchée, qui a été ouverte, l’espace de dix-huit jours, après la levée du siège.

Il est revenu à Deschambault continuer ses services avec la compagnie des grenadiers, sous les ordres de M. Dumas.

D’après les certificats de MM. de Ramesay et de Noyelle, il s’est acquitté de ses devoirs avec valeur, zèle et distinction.


GASPÉ.
Expectative d’Enseigne en second, Canada
25 Mars 1738,
Enseigne en second, Canada
1 Avril 1739,
Enseigne en pied
1745,
Lieutenant
1749,
Capitaine
1756,
Chevalier de Saint-Louis
24 Mars 1761.

À cet état de services de mon grand-père, je crois devoir ajouter une anecdote, ne serait-ce que pour démontrer que la vie ou la mort d’un homme tiennent souvent à des incidents bien futiles en apparence.

Le capitaine de Gaspé fumait paisiblement la pipe, pendant le siège de Québec, en 1760, avec deux de ses frères d’armes, les capitaines Vassal et de Bonne, dans une excavation faite la veille par une bombe ennemie. Cette retraite les mettait à l’abri d’un vent glacial du nord-est, accompagné d’une pluie qui tombait à torrents, et semblait aussi devoir les protéger des bombes et des boulets de l’ennemi.

— Il faudra que le diable s’en mêle, dit en riant le capitaine Vassal, si une autre bombe vient nous déterrer dans ce trou par cette nuit sombre. Ainsi fumons et jasons en paix. Ils étaient là depuis quelques minutes, devisant avec la gaieté habituelle des Français, lorsque le capitaine de Gaspé, croyant entendre quelqu’un qui l’appelait, dit, en sortant de l’excavation :

— On craint apparemment que nos jambes s’engorgent faute d’exercice.

Mais il était à peine éloigné de quelques pas, qu’une seconde bombe, tombant dans la retraite qu’il venait de laisser, tua ses deux amis.

Feu le juge de Bonne et feu le colonel Vassal, adjudant-général des milices canadiennes, pendant la guerre de 1812, s’entretenaient souvent avec mon père de cette fatalité qui les avaient fait tous deux orphelins, tandis qu’un hasard providentiel avait sauvé la vie au père de leur ami.