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MÉMOIRES.

à feu M. Hawkins, la justice de déclarer que s’il eût connu les antécédents de M. de Repentigny, il n’aurait jamais publié une note si injurieuse à sa mémoire.

Puisque j’ai parlé de l’intendant Bigot et de la manière dont il se vengeait de ses ennemis par le ministère d’officiers français faisant l’office de bourreau, je vais m’occuper d’une histoire très jolie sous le rapport du style et de l’imagination, publiée il y a je crois quelques vingt ans, et dont voici la substance.

M. Bigot possédait un château ayant nom « l’Hermitage », dont il reste quelques vestiges aux pieds des montagnes de Charlesbourg. Chassant un jour dans la forêt, et s’étant séparé de sa suite, il s’y égara, lorsqu’une jeune et belle Indienne, arrivant fort à propos pour le tirer d’affaires, lui servit de guide. Bigot, qui était d’humeur galante, ne manqua pas, pour la récompenser d’un tel service, d’en faire sa maîtresse. Mais comme elle empiétait sur les droits de madame Bigot, légitime épouse de l’intendant, celle-ci, jalouse comme une tigresse, surprit, pendant la nuit, la jeune fille seule dans l’Hermitage et la poignarda ; une autre version veut qu’elle l’empoisonna.

Je n’ai aucune objection d’accorder au sieur Bigot une Indienne pour maîtresse. Il devait, pourtant, faire peu de victimes, car il avait l’agrément, suivant la tradition, d’être punais, en sorte qu’il empestait ceux qui l’approchaient de trop près, nonobstant les parfums dont il embaumait sa personne et parfumait ses habits. N’importe ; il était riche et puissant : les dames en raffolaient et je lui allouerai autant de maîtresses que l’on voudra, car ce n’était pas, il faut l’avouer, un homme