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MÉMOIRES.

Le récit suivant fera voir que les monarques français, avant la conquête, n’étaient pas les seuls qui graciassent les nobles, coupables d’homicides, mais que le peuple lui-même se passait la fantaisie de sauver des meurtriers.

Un soldat assassina à Québec, peu d’années avant la conquête, un de ses camarades, très mauvais sujet, qu’il soupçonnait, autant qu’il m’en souvient, d’intrigues criminelles avec sa femme, et fut en conséquence condamné à être pendu. Le meurtrier, d’un caractère doux et paisible, d’une conduite irréprochable avant ce crime, était aimé de tous les citoyens de Québec ; tandis que la victime, homme débauché, brutal, violent, en était détesté. On disait qu’il avait eu ce qu’il méritait.

On se concerta avec tant de précaution pour sauver le coupable, que les autorités n’eurent aucun soupçon du complot. Toutes les mesures prises, et le criminel lui-même prévenu, voici comment la scène se passa.

Le lieu des exécutions ordinaires était alors sur la Butte-à-Nepveu, sur le chemin Saint-Louis, et le père récollet qui assistait le criminel pendant le trajet de la prison au lieu du supplice, paraissait avoir une affection bien tendre pour son pénitent, car il l’étreignait fortement d’un bras appuyé sur ses épaules ; mais à l’extrémité de ce bras était une main qui n’était pas oisive ; car, tout en paraissant serrer avec tendresse le cou du pénitent, elle imprégnait avec une fiole contenant de l’acide nitrique, la corde qui devait l’étrangler.