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MÉMOIRES.

lancé force sarcasmes à l’ancienne noblesse canadienne : les plus indulgents ont dit que c’était un noble orgueilleux, lequel, en vertu de son rang et de certains privilèges nobiliaires, croyait mordicus avoir le droit de verser impunément le sang d’un plébéien ; que le roi de France n’aurait jamais gracié un homme du peuple qui eût versé le sang d’un gentilhomme. Que sais-je !

Les poignards, les revolvers sont cependant aujourd’hui très à la mode chez nous et chez nos voisins ; et les meurtriers sont fréquemment acquittés sur preuve d’une grande provocation, et même de torts à réparer. Ce ne sont plus des gentilshommes qui ont l’insolence de croire qu’ils pouvaient verser impunément le sang du populaire, mais bien des roturiers qu’un mouvement de colère domine. Ce n’est plus un roi, un tyran, toujours prêt à pardonner à un assassin de noble extraction, mais un corps de juré qui amnistie un des ses pairs.

Messieurs les Anglais ont de tout temps, à ma connaissance, beaucoup applaudi aux sarcasmes lancés contre la noblesse canadienne, sans songer que leurs riches parvenus sont beaucoup plus hautains, plus orgueilleux, que ne l’a jamais été la noblesse française et même celle de leur nation. Je ne me flatte pas d’avoir de l’esprit, mais le bon gros sens commun, bagage assez rare de nos jours, m’en tient lieu. J’avale le moins de canards qu’il m’est possible, je n’ajoute foi à aucune calomnie, je ne crois aux médisances que sur de forts témoignages ; et sur le tout, je consulte le gros sens commun.