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MÉMOIRES.

année après sa disparition, lorsqu’on lui annonça la visite d’un monsieur qui l’attendait dans un salon de l’hôtel où il logeait. Quelle fut sa surprise de se trouver en présence d’un gentilhomme aux manières élégantes, qu’il reconnut pourtant pour son ci-devant coiffeur ; aussi comme il craignit de le blesser dans son amour propre, il l’accueillit avec toute la politesse cérémonieuse qu’il aurait fait à un inconnu.

— Est-ce que vous ne me reconnaissez pas, Monsieur Baby, dit le visiteur ?

— Mais non ; dit Monsieur Baby : j’ai pourtant vu quelqu’un qui vous ressemblait.

— Eh bien ! ce quelqu’un qui me ressemblait, fit le jeune homme, était votre ci-devant barbier.

— Puisque vous le dites, Monsieur, je dois vous croire.

Il donna ensuite le mot de l’énigme.

— Je suis, dit-il, le chevalier B*** ; j’eus un petit démêlé, il y a six ans, avec mon père : il voulait me faire épouser une très noble et riche héritière sans doute, mais laide et vieille. Et comme j’ai une aversion très prononcée pour les riches héritières quand elles sont vieilles et laides, je préférai m’expatrier et gagner ma vie par le labeur de mes mains plutôt que d’épouser la vénérable douairière. Il me fallut faire choix d’un métier à mon arrivée dans le Canada, et comme je suis adroit comme un singe, et que le métier de perruquier n’est pas fatiguant, je pris bravement la trousse, le cuir anglais, la houppe à poudrer, le bassin, la boule de savon et les autres instruments de mon nouvel état. Et voici mon début.