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LES ANCIENS CANADIENS.

vieille pour faire tant de besogne dans l’espace d’une journée ! C’est désespérant ! à la fin nous allons faire l’impossible pour lui plaire.

— Je puis toujours vous rendre quelques services, dit l’hypocrite, en feignant de plaindre beaucoup ma bonne femme : je me chargerai, avec le plus grand plaisir, de faire les invitations.

— Vous me rendrez vraiment un grand service, mon cher Jules, dit ma femme : vous connaissez notre société ; je vous donne carte blanche.

Ma femme fait aussitôt courir la paroisse pour se procurer les viandes dont elle aura besoin. Elle et mes filles passent la plus grande partie de la nuit à aider la vieille cuisinière à faire les pâtisseries, crèmes fouettées, blanc-manger, gaufres et un tas de vetes (vétilles) qui ne valent pas les bonne tiaudes de morue fraîche que l’on mange sur le banc de Terre-Neuve (h). M. Jules fit, d’ailleurs, les choses en grand. Il expédia pendant la nuit deux courriers, l’un au nord-est et l’autre au sud-ouest, porteurs d’invitations pour la fête ; en sorte que le lendemain, à six heures du soir, grâce à sa bienveillance, ma maison était pleine de convives, qui faisaient des plongeons comme des goëlands, tandis que j’étais ancré à Québec, et que madame Marcheterre, malgré une affreuse migraine, faisait, de la meilleure grâce du monde, les honneurs de la maison. Que dites-vous, messieurs, d’un pareil tour, et qu’as-tu à répondre, petit caïman, pour te justifier ?

— Je voulais, dit Jules, que tout le monde prît part d’avance à la joie de la famille, à l’heureux succès d’un ami si cher ! si généreux ! si magnifique ! Aussi, si vous aviez été témoin des regrets, de la