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LA SORTIE DU COLLÉGE.

quoi cette tristesse inusitée ? C’est qu’ils vont se séparer de deux condisciples chéris, de deux amis sincères pour tous, sans distinction. Le plus jeune des deux, qui, plus rapproché de leur âge, partageait, le plus souvent, leurs jeux enfantins, protégeait aussi le faible contre le fort, et décidait, avec équité, leurs petits différends.

La grande porte du collége s’ouvre, et deux jeunes gens, en habit de voyage, paraissent au milieu de leurs compagnons d’étude. Deux porte-manteaux de cuir, longs de cinq pieds, garnis d’anneaux, chaînes et cadenas, qui semblent assez forts pour amarrer un navire, gisent à leurs pieds. Le plus jeune des deux voyageurs, frêle et de petite taille, peut avoir dix-huit ans. Son teint brun, ses gros yeux noirs, vifs et perçants, ses mouvements saccadés, dénotent en lui l’origine française : c’est, en effet, Jules d’Haberville, fils d’un seigneur, capitaine d’un détachement de marine[1] de la colonie.

Le second, plus âgé de deux à trois ans, est d’une taille beaucoup plus forte et plus élevée. Ses beaux yeux bleus, ses cheveux blonds châtains, son teint blanc et un peu coloré, quelques rares taches de rousse sur le visage et sur les mains, son menton tant soit peu prononcé, accusent une origine étrangère : c’est, en effet, Archibald Cameron of Locheill, vulgairement Arché de Locheill, jeune montagnard écossais, qui a fait ses études au collége des Jésuites de Québec. Comment, lui, étranger, se trouve-t-il dans une colonie française ? C’est ce que la suite apprendra.

Les jeunes gens sont tous deux d’une beauté

  1. Ces détachements faisaient aussi le service de terre dans la colonie.