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LES ANCIENS CANADIENS.

nant, au contraire, son sang-froid habituel, il donna ses ordres avec calme et précision.

— Suivons, dit-il, la descente des glaces en emportant tous les matériaux de sauvetage.

— À quoi bon ? s’écrièrent ceux qui paraissaient les plus expérimentés : le malheureux est perdu sans ressources !

— Il reste pourtant une chance, une bien petite chance de salut, dit le vieux marin en prêtant l’oreille à certains bruits qu’il entendait bien loin dans le sud, et il faut y être préparé. La débâcle peut se faire d’un moment à l’autre sur le bras Saint-Nicolas[1] qui est très rapide, comme vous savez. Cette brusque irruption peut refouler les glaces de notre côté ; d’ailleurs, nous n’aurons aucun reproche à nous faire !

Ce que le capitaine Marcheterre avait prédit ne manqua pas d’arriver. Une détonation semblable aux éclats de la foudre se fit bien vite entendre ; et le bras de la rivière, s’échappant furieux de son lit, vint prendre à revers cet énorme amas de glaces qui n’ayant rencontré jusque-là aucun obstacle, poursuivait toujours sa marche triomphante. On crut pendant un moment que cette attaque brusque et rapide, que cette pression soudaine refoulerait une grande partie des glaces du côté du nord, comme le capitaine l’avait espéré. Il s’opéra même un changement momentané qui la refoula du côté des spectateurs, mais cet incident si favorable en apparence à la délivrance de Dumais fut d’une bien courte durée, car le lit de la rivière se trouvant trop resserré pour leur

  1. Rivière qui coupe la Rivière-du-Sud à angle droit près du village.