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LES ANCIENS CANADIENS.

(c) L’auteur croit qu’un mot d’avis à ses jeunes compatriotes ne sera pas déplacé ici. Chacun dans ce siècle peut aspirer au rang de gentleman et l’obtenir même bien vite ; mais autre chose est d’en avoir le rang, autre chose d’en avoir le ton et les manières. C’est un plus long apprentissage que l’on n’est porté à le croire généralement, pour celui qui n’y a pas été habitué dès l’enfance. Malheur à celui qui, entrant dans ce monde nouveau, aura l’outrecuidance de croire qu’il n’aura rien à apprendre : avec de telles idées, il sera toute sa vie un être ridicule. Il ne dira pas un mot, il ne fera pas l’action la plus ordinaire, sans prêter le flanc à la raillerie : il est certain, chaque fois qu’il ira en société, d’en faire l’amusement pendant plusieurs jours par ses bévues, il sera tourné en ridicule sans pitié ; si c’est, au contraire, un jeune homme timide et sans prétentions, il observera naturellement le ton et les manières des gens bien élevés et apprendra assez vite le langage et les manières de la bonne société, toujours indulgente.

Il n’y aura que les fats qui prendront cet avis en mauvaise part.

(d) Donnez-lui, madame, son coup du matin : ça le ranimera.

(e) Les anciens Canadiens détestaient le thé. Les dames en prenaient quelquefois, comme sudorifique, pendant leurs maladies, donnant la préférence, néanmoins, à une infusion de camomille.

Lorsque la mère de l’auteur, élevée dans les villes, où elle fréquentait la société anglaise, introduisit le thé dans la famille de son beau-père, après son mariage, il y a soixante-et-dix-huit ans, les vieillards se moquaient d’elle en disant qu’elle prenait cette drogue pour faire l’Anglaise, et qu’elle ne devait y trouver aucun goût.

(f) L’auteur a connu à la campagne, pendant son enfance, deux notaires qui passaient régulièrement tous les trois mois, chargés de leur étude, dans un sac de loup-marin, pour la préserver de la pluie. Ces braves gens se passaient bien de voûtes à l’épreuve du feu ; dans un cas d’incendie, ils jetaient sac et étude par la fenêtre.

(g) Il y avait certainement, alors, des notaires très-instruits au Canada : leurs actes en font foi ; mais il y en avait aussi d’une ignorance à faire rayer du tableau un huissier de nos jours.

Un certain notaire de la seconde catégorie rédigeait un acte pour une demoiselle, fille majeure. Il commence le préambule. Fut présente demoiselle L…., écuyer.

— Oh ! fit le père de l’auteur, une demoiselle, écuyer !

— Alors, écuyère, dit le notaire pensant s’être trompé de genre.

— Bah ! M. le notaire ! biffez-moi cela.

— Eh bien ! écuyèresse ! s’écria le notaire triomphant.

(h) Ni la distance des lieux, ni la rigueur de la saison, n’empêchaient les anciens Canadiens qui avaient leurs entrées au château Saint-Louis, à