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LES ANCIENS CANADIENS.

(d) Mettre en cache : expression dont se servaient les Canadiens et les sauvages pour désigner les objets qu’ils cachaient dans les bois.

(e) Les anciens sauvages disaient souvent aux Canadiens : « Mon frère ment comme un Français » : Ce qui ferait croire que les Indiens étaient plus véridiques.

Un sauvage montagnais accusait un jour, en ma présence, un jeune homme de sa tribu de lui avoir volé une peau de renard.

— Eh ! oui, dit le coupable en riant aux éclats, je l’ai prise ; tu la trouveras dans la forêt.

Et il lui indiqua en même temps le lieu où il l’avait cachée.

Malgré ce fait, les Sauvages n’en ont pas moins mérité la réputation de menteurs. On connaît le proverbe canadien : menteur comme un sauvage.

(f) Les sauvages avaient horreur de la corde ; ils préféraient le poteau, où leurs ennemis les torturaient pendant des journées entières. Un jeune sauvage ayant assassiné deux Anglais, quelques années après la conquête, sa tribu ne le livra au gouvernement qu’à la condition expresse qu’il ne serait pas pendu. Convaincu de ce meurtre, il fut fusillé. Le pays devait être alors sous la loi militaire : une cour criminelle ordinaire n’aurait pu légalement substituer le plomb à la corde dans un cas de meurtre.

Il est de tradition dans ma famille que mon bisaïeul maternel, le second baron de Longueuil, étant gouverneur de Montréal, fit pendre un prisonnier iroquois ; et que cet acte de rigueur eut le bon effet d’empêcher ces barbares de torturer les prisonniers français qu’ils firent ensuite, le baron de Longueuil leur ayant déclaré qu’il ferait pendre deux prisonniers sauvages pour un français qu’ils feraient brûler.

(g) Lorsque les sauvages retournaient d’une expédition guerrière, ils poussaient, avant d’entrer dans leurs villages, autant de cris de mort qu’ils avaient perdu d’hommes. J’ai eu l’occasion d’entendre ces cris lamentables qu’ils tirent du fond de leurs poitrines. C’était pendant la guerre de 1812, contre les Américains. Dix-huit grands chefs, députés des diverses tribus du Haut-Canada vers le gouverneur Provost, vinrent à Québec, pendant l’hiver ; ils étaient assis dans le fond des carioles ; et commencèrent à pousser leurs cris de mort vis-à-vis de l’Hôpital-Général, et ne cessèrent que quand ils laissèrent leurs voitures pour entrer dans la maison du « Chien d’or » où ils furent d’abord reçus.

Il paraît que cette réception, dans une maison presque vierge de meubles, fut loin de leur plaire, et qu’ils s’attendaient à être reçus moins cavalièrement : en effet, un aide-de-camp étant venu les complimenter de la part du gouverneur, un des chefs lui dit que s’ils eussent rendu visite au président des États-Unis, on les aurait traités avec plus d’égards à Washington. Dès le lendemain, ils furent logés dans le meilleur hôtel de Québec aux frais du gouvernement. Il paraît néanmoins qu’ils n’attachaient aucun prix aux meubles des chambres, car ils ne se servirent ni des lits, ni des chaises, pendant tout le temps qu’ils restèrent dans l’hôtel.