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NOTES DU CHAPITRE SIXIÈME.

avant le dessert pour faire l’anglais, racontait à l’auteur qu’il pensa mourir de honte en voyant ricaner en dessous les jeunes convives des deux sexes.

Les habitants se servaient toujours, il y a cinquante ans, de leur couteau de poche pendant le repas : les hommes de couteaux plombés ; un forgeron en fabriquait la lame ; les manches en bois étaient ornés de ciselure en étain ; et comme cet instrument n’avait pas de ressort, le patient était contraint de tenir constamment la lame assujétie avec le pouce : l’esprit ingénieux de l’artiste facilitait l’opération au moyen d’un petit bouton, placé à la partie de la lame attenante au manche. Les habitants s’en servaient avec beaucoup d’adresse ; mais les novices se pincaient horriblement le pouce : un petit apprentissage était nécessaire.

Les femmes se servaient de couteaux de poche ordinaires qu’elles achetaient chez les boutiquiers.

(c) Quelques familles canadiennes avaient conservé l’usage des gobelets d’argent pendant leurs repas, il y a près de soixante-et-dix ans. On y ajoutait les verres à pattes de crystal au dessert, dont les convives se servaient indifféremment, suivant leur soif plus ou moins vive : l’ivrognerie était alors, d’ailleurs, un vice inconnu à la première classe de la société canadienne.

(d) L’auteur a cru faire plaisir aux gourmets, en leur donnant un description minutieuse de cet ancien pâté canadien, leur conseillant d’en faire l’essai, s’ils ne le croient pas sur parole. Les familles nombreuses en faisaient souvent deux, montant à l’assaut du second, quelque temps après la démolition du premier.

(e) Quelques personnes m’ont demandé si mon vieux pasteur n’était pas le type d’un ancien curé de la paroisse de Saint-Thomas, qui, lui aussi, avait baptisé et marié tous ses paroissiens, dont il avait enterré trois générations. Oh, oui ! c’est bien le modèle que j’avais sous les yeux en écrivant « La débâcle ». J’ai beaucoup connu le respectable monsieur Verrault, depuis mon enfance jusqu’à sa mort. C’était un prêtre d’un zèle inextinguible, mais aussi indulgent pour les autres qu’il était sévère pour lui-même. Il aimait la société, et se dépouillait, dans ses rapports avec elle, de la rigidité nécessaire au ministre des autels, quand il exerce ses fonctions. Ce n’était plus alors que le vieillard gai et aimable, se livrant avec entrain aux charmes de la causerie.

La mansuétude du saint homme fut mise un jour à une rude épreuve, à un souper, chez le seigneur du lieu.

J’ai déjà dit, dans une note précédente, que le seigneur Couillard, père de mon ami le Docteur Couillard, si avantageusement connu dans le district de Québec, était un savant en us ; il parlait les langues latine, anglaise et allemande avec autant de facilité que la sienne propre. Sa mémoire était si prodigieuse, qu’il serait devenu, sans doute, un linguiste distingué en Europe, où il aurait eu la facilité d’étudier plusieurs idiomes des nations.