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LES ANCIENS CANADIENS.

Les jeunes gens s’amusèrent beaucoup de l’ingénieux mensonge de José, pour sauver l’honneur de son maître.

— Maintenant, dit Arché, que tu sembles avoir vidé ton budget, ton sac, de tous les quolibets qu’une tête française, tête folle et sans cervelle, peut convenablement contenir, parle sérieusement, s’il est possible, et dis-moi pourquoi l’on appelle l’île d’Orléans, l’île aux sorciers.

— Mais, pour la plus simple des raisons, fit Jules d’Haberville ; c’est qu’elle est peuplée d’un grand nombre de sorciers.

— Allons ; voilà que tu recommences tes folies, dit Locheill.

— Je suis très-sérieux, reprit Jules. Ces Écossais sont d’un orgueil insupportable ! Ils ne veulent rien accorder aux autres nations ! Crois-tu, mon cher, que vous devez avoir seuls le monopole des sorciers et des sorcières ? Quelle prétention ! Sache, mon très-cher, que nous avons aussi nos sorciers ; et qu’il y a à peine deux heures, il m’était facile, entre la Pointe-Lévis et Beaumont, de t’introduire à une sorcière très-présentable (a). Sache, de plus, que tu verras, dans la seigneurie de mon très-honoré père, une sorcière de première force. Voici la différence, mon garçon, c’est que vous les brûlez en Écosse, et qu’ici nous les traitons avec tous les égards dus à leur haute position sociale. Demande, plutôt, à José, si je mens.

José ne manqua pas de confirmer ces assertions : la sorcière de Beaumont et celle de Saint-Jean-Port-Joli étaient bien, à ses yeux, de véritables et solides sorcières.

— Mais, dit Jules, pour parler sérieusement, puisque