Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/347

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
349
CONCLUSION.

neveu, qui achevait de brillantes études, serait un savant comme lui, et que la science ne s’éteindrait pas dans la famille.

José, qui avait un tempérament de fer et des nerfs d’acier, José qui n’avait jamais eu un instant de maladie depuis qu’il était au monde, regardait la mort comme un événement assez hypothétique. Un de ses amis lui disant un jour, après le décès de ses anciens maîtres :

— Sais-tu, José, que tu as au moins quatre-vingts ans bien sonnés, et qu’à te voir on t’en donnerait à peine cinquante ?

José s’appuyant sur une hanche, comme signe de stabilité, souffla dans le tuyau de sa pipe pour en expulser un reste de cendre, fouilla longtemps dans sa poche de culotte, de la main qui lui restait, pour en retirer son sac à tabac, son tondre et son briquet, et répliqua ensuite, sans se presser, comme preuve de ce qu’il allait dire :

— Je suis, comme tu sais, le frère de lait de notre défunt capitaine ; j’ai été élevé dans sa maison ; je l’ai suivi dans toutes les guerres qu’il a faites, j’ai élevé ses deux enfants, j’ai commencé, entends-tu, sur de nouveaux frais, à prendre soin de ses petits-enfants. Eh ben ! tant qu’un d’Haberville aura besoin de mes services, je ne compte pas désemparer !

— Tu penses donc vivre aussi longtemps que le défunt Maqueue-salé ? (Mathusalem) fit le voisin.

— Plus longtemps encore, s’il le faut, répliqua José.

Ayant ensuite tiré de sa poche tout ce qu’il lui fallait, il bourra sa pipe, mit dessus un morceau de tondre ardent, et se mit à fumer en regardant son