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LES ANCIENS CANADIENS.

la ténacité et l’indépendance des fiers insulaires dont il est issu par sa mère.

José s’était d’abord montré assez froid pour sa jeune maîtresse, mais il finit par lui être sincèrement attaché. Elle avait bien vite trouvé le point vulnérable de la cuirasse : José, comme son défunt père, aimait le vin et l’eau-de-vie, qui n’avaient d’ailleurs guère plus d’effet sur son cerveau breton que si l’on eût versé les liqueurs qu’il absorbait, sur la tête du coq dont était couronné le mai de son Seigneur, afin de fausser le jugement de ce vénérable volatile dans ses fonctions ; aussi la jeune dame ne cessait-elle de présenter à José, tantôt un verre d’eau-de-vie pour le réchauffer et tantôt un gobelet de vin pour le rafraîchir. Aussi José finit-il par avouer que si les Anglais étaient pas mal rustiques, les Anglaises ne leur ressemblaient nullement.

Monsieur et madame d’Haberville rassurés, après tant de malheurs, sur l’avenir de leurs enfants, coulèrent des jours paisibles et heureux jusqu’à la vieillesse la plus reculée. Les dernières paroles du capitaine à son fils furent :

— Sers ton nouveau souverain avec autant de fidélité que j’ai servi le roi de France ; et que Dieu te bénisse, mon cher fils, pour la consolation que tu m’as donnée !

Mon oncle Raoul, décédé trois ans avant son frère, n’eut qu’un regret avant de mourir : celui de laisser la vie avant que son petit-neveu eût embrassé la carrière militaire.

— Il n’y a qu’une carrière digne d’un d’Haberville, répétait-il sans cesse, c’est celle des armes.

Il se consolait pourtant un peu dans l’espoir que son