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LES ANCIENS CANADIENS.

– Mon cher maître, dit Francœur en sanglotant, les pauvres n’attendront pas longtemps leur héritage.

Le bon gentilhomme, après avoir fait les adieux les plus tendres à tous ses amis, s’adressant au curé, le pria de réciter les prières des agonisants. Et à ces paroles : « Partez, âme chrétienne, au nom du Dieu tout-puissant qui vous a créée », il rendit le dernier soupir. Sterne aurait dit : « l’ange régistrateur de la chancellerie des cieux versa une larme sur les erreurs de sa jeunesse, et les effaça pour toujours. » Les anges sont plus compatissants que les hommes, qui n’oublient ni ne pardonnent les fautes d’autrui !

André Francœur fut frappé de paralysie lorsqu’on descendit le corps de son maître dans sa dernière demeure, et ne lui survécut que trois semaines.

Lorsque Jules avait dit à sa sœur : « si j’aimais une Anglaise, et qu’elle voulût accepter ma main, je l’épouserais sans plus de répugnance qu’une de mes compatriotes, » elle était loin alors de soupçonner les vraies intentions de son frère. Jules, en effet, pendant la traversée de l’Atlantique, avait fait la connaissance d’une jeune demoiselle anglaise, d’une grande beauté. Jules, autre Saint-Preux, lui avait donné d’autres leçons que celles de langue et de grammaire française, pendant un trajet qui dura deux mois. Il avait d’ailleurs montré son bon goût : la jeune fille, outre sa beauté ravissante, possédait toutes les qualités qui peuvent inspirer une passion vive et sincère.

Enfin, tous les obstacles levés, toutes les difficultés surmontées par les deux familles, Jules épousa l’année suivante la blonde fille d’Albion, qui sut bien vite gagner le cœur de tous ceux qui l’entouraient.