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LES ANCIENS CANADIENS.

qu’un homme comme vous, qui a tout à souhait, qui possède tant d’esprit, et tant de ressources pour chasser les mauvaises pensées, puisse s’amuser à vos diables bleus, c’est ce qui me surpasse.

— Mon cher Dumais, reprit Arché, je pourrais vous répondre que chacun a ses peines dans le monde, même ceux qui paraissent les plus heureux ; qu’il me suffise de vous dire que c’est maladie chez moi, et que je compte sur vous pour m’en guérir.

— Commandez-moi, M. Arché, je suis à vous le jour comme la nuit.

— J’ai essayé de tout, continua Arché : l’étude, les travaux littéraires ; j’étais mieux le jour, mais mes nuits étaient sans sommeil ; et si j’avais même la chance de dormir, je me réveillais aussi malheureux qu’auparavant. J’ai pensé qu’un fort travail manuel pourrait seul me guérir, et qu’après une journée de fort labeur, je goûterais un sommeil réparateur qui m’est refusé depuis longtemps.

— C’est vrai cela, dit Dumais : quand un homme a bien travaillé le jour, je le défie d’avoir les insomnies ; mais où voulez-vous en venir ? et en quoi serais-je assez heureux pour vous aider ?

— C’est de vous, mon cher Dumais, que j’attends ma guérison. Mais écoutez-moi sans m’interrompre, et je vais vous faire part de mes projets. Je suis maintenant riche, très riche même ; mon principe est que, puisque la providence m’a donné des richesses que je ne devais jamais espérer, je dois en employer une partie à faire le bien. Il y a dans cette paroisse et dans les environs une immense étendue de terre en friche, soit à vendre, soit à concéder. Mon dessein est d’en acquérir une quantité considérable,