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comme une vache pendant certains vents : c’est ce que les anciens disent quand ils en jasent[1].

— Ne te fâche pas, mon vieux, dit Jules, tu as probablement raison. Ce qui nous faisait rire, c’est que tu aies pu croire qu’il y a des chevaux en Écosse : c’est un animal inconnu dans ce pays-là.

— Point de chevaux, monsieur ! comment fait donc le pauvre monde pour voyager ?

— Quand je dis point de chevaux, fit d’Haberville, il ne faut pas prendre absolument la chose à la lettre. Il y a bien un animal, ressemblant à nos chevaux, animal un peu plus haut que mon gros chien Niger, et qui vit dans les montagnes, à l’état sauvage de nos caribous, auxquels il ressemble même un peu. Quand un montagnard veut voyager, il braille de la cornemuse ; tout le village s’assemble, et il fait part de son projet. On se répand alors dans les bois, c’est-à-dire dans les bruyères ; et après une journée ou deux de peines et d’efforts, on réussit, assez souvent, à s’emparer d’une de ces charmantes bêtes. Alors, après une autre journée, ou plus, si l’animal n’est pas trop opiniâtre, si le montagnard a assez de patience, il se met en route, et arrive même quelquefois au terme de son voyage.

— Certes, dit de Locheill, tu as bel air à te moquer de mes montagnards ! tu dois être fier aujourd’hui de ton équipage princier ! la postérité aura de la peine à croire que le haut et puissant seigneur d’Haberville ait envoyé chercher l’héritier présomptif de ses vastes domaines dans un traîneau à charroyer le fumier ! Sans doute qu’il expédiera ses piqueurs

  1. Il y a deux versions sur cette question importante.