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CONCLUSION.

— Je t’en donne ma parole, dit Jules en lui serrant la main.

De Locheill raconta alors, sans omettre les moindres circonstances, l’entretien qu’il avait eu récemment avec Blanche ; et allumant une bougie, il se retira, en soupirant, dans sa chambre à coucher.

Jules passa une nuit des plus orageuses. Lui qui n’avait étudié la femme que dans les salons, dans la société frivole du faubourg Saint-Germain, ne pouvait comprendre ce qu’il y avait de grand, de sublime, dans le sacrifice que s’imposait sa sœur : de pareils sentiments lui semblaient romanesques, ou dictés par une imagination que le malheur avait faussée. Trop heureux d’une alliance qui comblait ses vœux les plus chers, il se décida, avec l’assentiment d’Arché, à un entretien sérieux avec Blanche, bien convaincu qu’il triompherait de ses résistances : elle l’aime, pensa-t-il, ma cause est gagnée.

L’homme avec toute son apparente supériorité, l’homme dans son vaniteux égoïsme, n’a pas encore sondé toute la profondeur du cœur féminin, de ce trésor inépuisable d’amour, d’abnégation, de dévouement à toute épreuve. Les poètes ont bien chanté sur tous les tons cette Ève, chef-d’œuvre de beauté, sortie toute resplendissante des mains du créateur, mais qu’est-ce que cette beauté toute matérielle comparée à celle de l’âme de la femme vertueuse, aux prises avec l’adversité ! c’est là qu’elle se révèle dans tout son éclat ! c’est sur cette femme morale que les poètes auraient dû épuiser leurs louanges ! en effet, quel être pitoyable que l’homme en face de l’adversité ! c’est alors que, pygmée méprisable, il s’appuie en chancelant sur sa compagne géante, qui,