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de Chavigny, qui avait escamoté mon exercice et en avait coulé un autre de sa façon, que je présentai au précepteur. Vous avez tous feint de ne pas me croire, charmés de voir mystifier l’éternel mystificateur.

José qui, d’ordinaire, prenait peu de part à la conversation des jeunes messieurs, et qui, en outre, n’avait rien compris de la fin de la précédente, marmottait entre ses dents :

— C’est toujours un drôle de pays, quand même, où les moutons ne sont que têtes, pattes et queues, et point plus de corps que sur ma main ! Mais, après tout, ce n’est pas mon affaire : les hommes, qui sont les maîtres, s’arrangeront toujours bien pour vivre ; mais les pauvres chevaux !

José, grand maquignon, avait le cœur tendre pour ces nobles quadrupèdes. S’adressant alors à Arché, il lui dit, en soulevant le bord de son bonnet :

— Sous (sauf) le respect que je vous dois, monsieur, si les nobles mêmes mangent l’avoine de votre pays, faute de mieux, je suppose, que deviennent les pauvres chevaux ? ils doivent bien pâtir, s’ils travaillent un peu fort.

Les deux jeunes gens éclatèrent de rire à cette sortie naïve de José. Celui-ci, un peu déconcerté de cette hilarité, à ses dépens, reprit :

— Faites excuse, si j’ai dit une bêtise : on peut se tromper sans boire, témoin M. Jules, qui vient de nous dire que les habitants appellent le sault Montmorency « la vache », parce que son écume est blanche comme du lait ; j’ai, moi, doutance que c’est parce qu’il beugle