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LE FOYER DOMESTIQUE.

peu pendant l’inspection. Le jeu commence : tout le monde chante en chœur à chaque personne qui s’agenouille aux pieds de la dame aux yeux bandés :

Madame, est-ce là votre fille, (bis)
En boutons d’or, en boucles d’argent ?
Les mariniers sont sur leur banc.

La dame voilée doit répondre par le même refrain :

Oui, c’est là ma fille, (bis)

Ou bien :

Ce n’est pas ma fille, (bis)
En boutons d’or, en boucles d’argent :
Les mariniers sont sur leur banc.

Après l’inspection de plusieurs têtes, Élise, entendant sous le châle les rires étouffés de Jules, crut avoir enfin saisi sa proie. Elle palpe la tête : c’est bien Jules, ou peu s’en faut ; le visage, à la vérité, est un peu long, mais ce diable de Jules a tant de ressources pour se déguiser ! N’a-t-il pas déjà mystifié toute une compagnie, pendant une soirée entière, sous le déguisement d’habits du temps de Louis XIV, après avoir été présenté comme une vieille tante arrivée le jour même de France ? Sous ce déguisement n’a-t-il pas eu même l’audace d’embrasser toutes les jolies dames de la réunion, y compris Élise elle-même ? Quelle horreur ! Oui, Jules est capable de tout ! Sous cette impression, tremblante de joie, elle pince une oreille : un cri de douleur s’échappe, un sourd grognement se fait entendre, suivi d’un aboiement formidable. Élise arrache son bandeau et se trouve face à face d’une rangée de dents menaçantes : C’était Niger. Comme chez le fermier Detmont de Walter Scott, dont tous les chiens