Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/311

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
313
DE LOCHEILL ET BLANCHE.

Biron, son parent, son ami jadis, l’avait trahi, et il méritait doublement la mort.

— Pauvre M. Biron, reprit José, il parle pourtant bien dans sa complainte.

— Ce ne sont pas toujours ceux qui parlent le mieux qui ont le plus souvent raison, dit Arché ; rien ne ressemble plus à un honnête homme qu’un fripon éloquent.

— C’est pourtant vrai ce que vous dites là, M. Arché : nous n’avons qu’un pauvre voleur dans notre canton, et comme il est sans défense, tout le monde le mange à belles dents, tandis que son frère, qui est cent fois pire que lui, trouve le tour, avec sa belle langue, de passer pour un petit saint. En attendant, voici la ville de Québec, mais pas plus de pavillon blanc que sur ma main, ajouta José en soupirant.

Et pour se donner une contenance, il chercha sa pipe dans toutes ses poches en grommelant et répétant son refrain ordinaire :

— « Nos bonnes gens reviendront. »

José passa deux jours à Québec, et s’en retourna chargé de tous les cadeaux que de Locheill crut lui être agréables. Il aurait bien désiré aussi envoyer quelques riches présents à la famille d’Haberville, il n’y aurait pas manqué dans d’autres circonstances, mais il craignait de les blesser dans leur amour-propre. Il se contenta de dire à José en lui faisant ses adieux :

— J’ai oublié au manoir mon livre d’heures ; priez mademoiselle Blanche de vouloir bien le garder jusqu’à mon retour : c’était un « Pensez-y bien. »