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LES ANCIENS CANADIENS.

qui avait fait mourir ce pauvre monsieur Biron, qui lui avait rendu tant de services.

— Les rois, mon cher José, n’oublient jamais une offense personnelle ; et comme bien d’autres qui n’oublient jamais les fautes d’autrui, même après expiation, ils ont la mémoire courte pour les services qu’on leur a rendus.

— Tiens ; c’est drôle tout de même, moi qui croyais que le bon Dieu ne leur avait rien refusé. La mémoire courte, c’est farceur.

Arché reprit, en souriant de la naïveté de son compagnon :

— Le roi Henri IV avait pourtant une bonne mémoire, quoiqu’elle lui ai fait défaut dans cette occasion : c’était un excellent prince qui aimait tous ses sujets comme ses propres enfants ; qui faisait tout pour les rendre heureux ; et il n’est pas surprenant que sa mémoire soit encore si chère à tout bon Français, même après cent cinquante ans.

– Dame ! dit José, ce n’est pas surprenant, si les sujets ont meilleure mémoire que les princes ! c’était toujours cruel de sa part de faire pendre ce pauvre M. Biron !

— On ne pendait pas la noblesse en France, fit Arché ; c’était un de leurs grands privilèges : on leur tranchait simplement la tête.

— C’était toujours un bon privilège, ça faisait peut-être plus de mal, mais c’était plus glorieux de mourir par le sabre que par la corde.

— Pour revenir à Henri IV, dit Arché, il ne faut pas le condamner trop sévèrement : il vivait dans des temps difficiles, à une époque de guerres civiles ;