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UNE NUIT AVEC LESSORCIERS


joliment primitive, la cuisine écossaise ; avec quelques poignées de farine d’avoine, délayées dans l’eau glacée d’un ruisseau en hiver, — car il n’y a ni bois, ni charbon dans votre pays, — on peut, à peu de frais et sans grande dépense d’habilité culinaire, faire un excellent ragoût, et régaler les survenants ordinaires de jour et de nuit. Il est bien vrai que lorsqu’un noble personnage demande l’hospitalité, — ce qui arrive fréquemment, tout Écossais portant une charge d’armoiries capable d’écraser un chameau, — il est bien vrai, dis-je, que l’on ajoute alors au premier plat une tête, des pattes et une succulente queue de mouton à la croque-au-sel : le reste de l’animal manque en Écosse.

De Locheill se contenta de regarder Jules par-dessus l’épaule, en disant :

Quis talia fando Myrmidonum, Dolopumve…

— Comment, fit ce dernier en feignant une colère comique, tu me traites de Myrmidon, de Dolope, moi philosophe ![1] Et encore, grand pédant, tu m’injuries en latin, langue dont tu maltraites si impitoyablement la quantité, avec ton accent calédonien, que les mânes de Virgile doivent tressaillir dans sa tombe ! Tu m’appelles Myrmidon, moi, le plus fort géomètre de ma classe ! à preuve que mon professeur de mathématiques m’a prédit que je serais un Vauban, ou peu s’en faut…

— Oui, interrompit Arché, pour se moquer de toi à l’occasion de ta fameuse ligne perpendiculaire, qui penchait

  1. Myrmidons, Dolopes. — Noms de mépris que les élèves des classes supérieures donnaient aux jeunes étudiants avant leur entrée en quatrième.