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DE LOCHEILL ET BLANCHE.

vous regrettez déjà les paroles cruelles qui vous sont échappées et qui ne pouvaient s’adresser à votre ancien ami. Parlez, Blanche, et dites que vous les désavouez ; que vous n’êtes pas insensible à des sentiments que vous connaissez depuis longtemps.

— Je serai franche avec vous, Arché, — répliqua Blanche, candide comme une paysanne qui n’a étudié ni ses sentiments, ni ses réponses dans les livres, comme une campagnarde qui ignore les convenances d’une société qu’elle ne fréquente plus depuis longtemps, et qui ne peuvent lui imposer une réserve de conventions ; — et je vous parlerai le cœur sur les lèvres. Vous aviez tout, de Locheill, tout ce qui peut captiver une jeune fille de quinze ans : naissance illustre, esprit, beauté, force athlétique, sentiments généreux et élevés : que fallait-il de plus pour fasciner une jeune personne enthousiaste et sensible ! aussi, Arché, si le jeune homme pauvre et proscrit eût demandé ma main à mes parents, qu’ils vous l’eussent accordée, j’aurais été fière et heureuse de leur obéir ; mais, capitaine Archibald Cameron de Locheill, il y a maintenant entre nous un gouffre que je ne franchirai jamais.

Et les sanglots étouffèrent de nouveau la voix de la noble demoiselle.

— Mais, je vous conjure, mon frère Arché, continua-t-elle en lui prenant la main, de ne rien changer à votre projet de vous fixer au Canada. Achetez des propriétés voisines de cette seigneurie, afin que nous puissions nous voir souvent, très souvent. Et si, suivant le cours ordinaire de la nature (car vous avez huit ans de plus que moi), j’ai, hélas ! le malheur de vous perdre, soyez certain, cher Arché,