Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/301

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
303
DE LOCHEILL ET BLANCHE.

mes plus beaux jours, où je me propose de vivre et de mourir auprès de mes amis. Qu’en dites-vous, Blanche ?

— Rien au monde ne pourra nous faire plus de plaisir. Oh ! que Jules, qui vous aime tant, sera heureux ! combien nous serons tous heureux !

— Oui, très heureux, sans doute ; mais mon bonheur ne peut être parfait, Blanche, que si vous daignez y mettre le comble en acceptant ma main. Je vous ai…

La noble fille bondit comme si une vipère l’eût mordue ; et, pâle de colère, la lèvre frémissante, elle s’écria :

— Vous m’offensez, capitaine Archibald Cameron de Locheill ! Vous n’avez donc pas réfléchi à ce qu’il y a de blessant, de cruel dans l’offre que vous me faites ! Est-ce lorsque la torche incendiaire, que vous et les vôtres avez promenée sur ma malheureuse patrie, est à peine éteinte, que vous me faites une telle proposition ! Est-ce lorsque la fumée s’élève encore de nos masures en ruine que vous m’offrez la main d’un des incendiaires. Ce serait une ironie bien cruelle que d’allumer le flambeau de l’hyménée aux cendres fumantes de ma malheureuse patrie ! On dirait, capitaine de Locheill, que maintenant, riche, vous avez acheté, avec votre or, la main de la pauvre fille canadienne ; et jamais une d’Haberville ne consentira à une telle humiliation ! Oh ! Arché ! Arché ! je n’aurais jamais attendu cela de vous, de vous, l’ami de mon enfance ! Vous n’avez pas réfléchi à l’offre que vous me faites !

Et Blanche, brisée par l’émotion, se rassit en sanglotant (i).