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DE LOCHEILL ET BLANCHE.

qu’on n’ait pas institué l’ordre des fous ; je n’aurais pas alors volé mon grade de chevalerie, comme celui dont Sa Majesté très chrétienne vient de me gratifier. J’espère pourtant que cet acte ne lui fermera pas les portes du paradis ; et que saint Pierre aura à lui objecter d’autres peccadilles ; car j’en serais au désespoir. »

De Locheill ne put s’empêcher de sourire aux mots « Majesté très chrétienne » ; il lui sembla voir la mine railleuse de son ami en écrivant cette phrase.

— Toujours le même, dit d’Haberville.

— Ne s’occupant que des autres ! s’écria-t-on en chœur.

— Je gagerais ma tête contre un chelin, dit Arché, qu’il aurait été plus heureux de voir décorer un de ses amis.

— Quel fils ! dit la mère.

— Quel frère ! dit Blanche.

— Oh ! oui ! quel frère ! dit de Locheill avec la plus vive émotion.

— Et quel neveu donc ai-je formé, moi ! s’écria mon oncle Raoul en coupant l’air de haut en bas avec sa canne, comme s’il eût été armé d’un sabre de cavalerie. C’en est un prince celui-là, qui sait distinguer le mérite et le récompenser ! elle n’est pas dégoûtée cette Majesté de France ; elle sait qu’avec cent officiers comme Jules, elle pourrait reprendre l’offensive, parcourir l’Europe avec ses armées triomphantes, franchir le détroit comme un autre Guillaume, écraser la fière Albion, et reconquérir ses colonies !

Et mon oncle Raoul coupa de nouveau l’air en tout sens avec sa canne, au péril imminent de ceux qui tenaient à conserver intacts leurs yeux, leur nez et