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LES ANCIENS CANADIENS.

pouvait, les hommes de l’équipage qui, épuisés de fatigue, s’étaient réfugiés dans les hamacs et refusaient d’en sortir : menaces, promesses, coups de bâton même avaient été inutiles. Notre mât de misaine étant cassé, nos voiles en lambeaux ne pouvant être ni carguées ni amenées, le second proposa comme dernière ressource, dans cette extrémité, de faire côte : c’était un acte de désespoir ; le moment fatal arrivait ! Le capitaine et le second me regardaient avec tristesse en joignant les mains. Je ne compris que trop ce langage muet d’hommes accoutumés par état à braver la mort. Nous fîmes côte à tribord, où l’on apercevait l’entrée d’une rivière qui pouvait être navigable. Je fis part, sans en rien cacher, aux passagers des deux sexes, de cette manœuvre de vie et de mort. Que de prière alors à l’Être Suprême ! que de vœux ! Mais hélas ! vaines prières ! vœux inutiles !

Qui pourrait peindre l’impétuosité des vagues ! La tempête avait éclaté dans toute sa fureur : nos mâts semblaient atteindre les nues pour redescendre aussitôt dans l’abîme. Une secousse terrible nous annonça que le navire avait touché le fond. Nous coupâmes, alors, mâts et cordages pour l’alléger ; il arriva, mais la puissance des vagues le tourna sur le côté. Nous étions échoués à environ cent cinquante pieds du rivage, dans une petite anse sablonneuse qui barrait la petite rivière, où nous espérions trouver un refuge. Comme le navire faisait déjà eau de toutes parts, les passagers se précipitèrent sur le pont ; les uns même, se croyant sauvés, se jetèrent à la mer et périrent.

Ce fut à ce moment que madame de Mézière parut