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LES ANCIENS CANADIENS.

interlocutrice, s’y appuya la tête pendant quelques instants ; puis, maîtrisant son émotion, il fit le récit que le lecteur connaît déjà par les chapitres précédents.

Arché entra dans les détails les plus minutieux ; il raconta ses regrets d’avoir pris du service dans l’armée anglaise, lorsqu’il apprit que son régiment devait faire partie de l’expédition dirigée contre le Canada ; il parla de la haine héréditaire des Montgomery contre les Cameron of Locheill ; il représenta le major acharné à sa perte, épiant toutes ses actions pour y réussir ; il s’accusa de lâcheté de n’avoir pas sacrifié l’honneur même à la reconnaissance qu’il devait à la famille qui l’avait adopté dans son exil. Il n’omit rien : il raconta la scène chez le vieillard de Sainte-Anne ; son humanité en faisant prévenir d’avance les malheureuses familles canadiennes du sort qui les menaçait ; ses angoisses, son désespoir sur la côte de Port-Joli, avant d’incendier le manoir seigneurial, ses prières inutiles pour fléchir son ennemi le plus cruel ; ses imprécations, ses projets de vengeance contre Montgomery à la fontaine du promontoire, après avoir accompli l’acte barbare de destruction ; son désespoir à la vue des ruines fumantes qu’il avait faites ; sa capture par les Abénaquis, ses réflexions amères, son retour à Dieu qu’il avait si grièvement offensé en se livrant à tous les mouvements de haine et de rage que le désespoir peut inspirer. Il raconta la scène sur les plaines d’Abraham, ses angoisses dévorantes à la vue de Jules qui pouvait avoir reçu des blessures mortelles ; il n’omit rien, et n’ajouta rien à sa défense. En mettant à nu les émotions cruelles de son âme, en peignant l’orage des passions qui avait grondé dans son sein pendant