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LES ANCIENS CANADIENS.

les grains de sable de cet îlot où nous sommes maintenant ; et néanmoins ils se font la guerre depuis autant de lunes qu’il y a de feuilles sur ce gros érable. Les Anglais sont riches, leurs Sauvages sont pauvres ; quand les Écossais battaient les Anglais, ils retournaient dans leurs montagnes chargés de riche butin ; quand les Anglais battaient les Écossais, ils ne trouvaient rien en retour dans leurs montagnes : c’était tout profit d’un côté et rien de l’autre.

— Pourquoi les Anglais, s’ils étaient si nombreux, dit la Grand’-Loutre, ne les poursuivaient-ils pas dans leurs montagnes pour les exterminer tous ? Mon frère dit qu’ils vivent dans une même île : ils n’auraient pu leur échapper ?

— Houa ! s’écria Dumais à la façon du sauvage : mon frère va voir que c’est impossible, s’il veut m’écouter. Les sauvages écossais habitent des montagnes si hautes, si hautes, dit Dumais en montrant le ciel, qu’une armée de jeunes Anglais qui les avaient poursuivis, une fois, jusqu’à moitié chemin, avaient la barbe blanche quand ils descendirent.

— Les Français sont toujours fous, dit l’Indien, ils ne cherchent qu’à faire rire : ils mettront bien vite des matchicotis (jupons), et iront s’asseoir avec nos squaws (femmes), pour les amuser de leurs contes ; ils ne sont jamais sérieux comme des hommes.

— Mon frère doit voir, reprit Dumais, que c’est pour lui faire comprendre combien sont hautes les montagnes d’Écosse.

— Que mon frère parle ; la Grand’-Loutre écoute et comprend, dit l’Indien accoutumé à ce style figuré.

— Les Écossais ont la jambe forte comme l’orignal, et sont agiles comme le chevreuil, continua Dumais.