— Donne, donne, mon frère, dit Talamousse en avançant la main vers le flacon, je t’en prie, mon frère !
— Si Talamousse veut me vendre sa part du prisonnier, fit Dumais, le Français lui donnera une autre traite.
— Donne-moi toute l’eau-de-feu, reprit Talamousse, et prends ma part du chien d’Anglais.
— Non, dit Dumais : un autre coup et rien de plus.
Et il fit mine de serrer le flacon.
— Donne donc et prends ma part, fit l’Indien.
Il saisit le flacon à deux mains, avala un autre demiard de la précieuse liqueur, et s’endormit sur l’herbe, complètement ivre.
— Et d’un, pensa Dumais.
La Grand’-Loutre regardait tout ce qui se passait d’un air de défiance, et continuait néanmoins à fumer stoïquement.
— Mon frère veut-il à présent me vendre sa part du prisonnier ? dit Dumais.
— Que veux-tu faire ? repartit le sauvage.
— Le vendre au capitaine d’Haberville qui le fera pendre pour avoir brûlé sa maison et son moulin.
— Ça fait plus mal d’être brûlé : d’Haberville boira la vengeance avec autant de plaisir que Talamousse a bu ton eau-de-feu.
— Mon frère se trompe, le prisonnier souffrira tous les tourments du feu comme un guerrier, mais il pleurera comme une femme si on le menace de la corde : le capitaine d’Haberville le sait bien.
— Mon frère ment encore, répliqua la Grand’-Loutre : tous les Anglais que nous avons brûlés pleuraient comme des lâches, et aucun d’eux n’a