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LES ANCIENS CANADIENS.

à ses pieds, et s’écria d’une voix lamentable : « malheur ! malheur ! malheur ! » Elle descendit ensuite, avec la rapidité de l’éclair, le sentier étroit et dangereux qui conduit au bas du promontoire, et, comme l’ombre d’Europe, se mit à errer parmi les ruines en criant : « désolation ! désolation ! désolation ! » Elle éleva ensuite un bras menaçant vers la cime du cap et cria : « malheur ! malheur à toi, Archibald de Locheill ! »

Le vieux chien poussa un hurlement plaintif et prolongé et tout retomba dans le silence.

Au moment où Arché, sous l’impression douloureuse de ce spectacle et de ces paroles sinistres, baissait la tête sur son sein, quatre hommes vigoureux se précipitèrent sur lui, le renversèrent sur le rocher, et lui lièrent les mains. C’étaient quatre sauvages de la tribu des Abénaquis, qui épiaient, cachés le long de la lisière des bois, tous les mouvements de la troupe anglaise, débarquée la veille à la Rivière-Ouelle. Arché, se confiant à sa force herculéenne, fit des efforts désespérés pour briser ses liens : la forte courroie de peau d’orignal qui enlaçait ses poignets, à triple tour, se tendit à plusieurs reprises, comme si elle allait se rompre, mais résista à ses attaques puissantes. Ce que voyant de Locheill, il se résigna à son sort, et suivit, sans autre résistance, ses ennemis, qui, s’enfonçant dans la forêt se dirigèrent vers le sud. Sa vigoureuse jambe écossaise lui épargna bien des mauvais traitements.

Elles étaient bien amères les réflexions que faisait le captif pendant cette marche précipitée à travers la forêt, dans cette même forêt dont il connaissait tous les détours, et où, libre et léger comme le chevreuil de ses montagnes, il avait chassé tant de fois avec son