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LES ANCIENS CANADIENS.

pensa-t-il, lorsqu’elle faisait cette prédiction à un Cameron of Locheill.

Montgomery contempla un instant, avec une joie féroce, cette lutte de passions contraires qui torturaient l’âme du jeune homme ; il savoura ce paroxysme de désespoir ; puis, se flattant qu’il refuserait d’obéir, il lui tourna le dos. De Locheill, pénétrant son dessein perfide, se dépêcha de rejoindre sa compagnie, et une demi-heure après, tout le hameau d’Haberville était la proie des flammes. Arché s’arrêta ensuite sur la petite côte, près de cette fontaine, où, dans des temps plus heureux, il avait été si souvent se désaltérer avec ses amis ; et de là ses yeux de lynx découvrirent Montgomery revenu à la même place où il lui avait signifié ses ordres, Montgomery qui, les bras croisés, semblait se repaître de ce cruel spectacle. Alors écumant de rage à la vue de son ennemi, il s’écria :

— Tu as bonne mémoire, Montgomery ; tu n’as pas oublié les coups de plat de sabre que mon aïeul donna à ton grand-père dans une auberge d’Édimbourg ; mais moi aussi j’ai la mémoire tenace ; je ne porterai pas toujours cette livrée qui me lie les mains, et tôt ou tard je doublerai la dose sur tes épaules, car tu serais trop lâche pour me rencontrer face à face ; un homme aussi barbare que toi doit être étranger à tout noble sentiment, même à celui de la bravoure, que l’homme partage en commun avec l’animal privé de raison ! sois maudit toi et toute ta race ! Puisses-tu, moins heureux que ceux que tu as privés d’abri, ne pas avoir, lorsque tu mourras, une seule pierre pour reposer ta tête ! Puissent toutes les furies de l’enfer…