qu’au bout de quatre ans, il arriva chez moi avec un autre sauvage. Ce n’était pas le même homme que j’avais vu dans un si piteux état : il était vêtu splendidement, et tout annonçait chez lui le grand guerrier et le grand chasseur, qualités inséparables chez les naturels de l’Amérique du Nord. Lui et son compagnon déposèrent, dans un coin de ma chambre, deux paquets de marchandises de grande valeur : car ils contenaient les pelleteries les plus riches, les plus brillants mocassins brodés en porc-épic, les ouvrages les plus précieux en écorce, et d’autres objets dont les sauvages font commerce avec nous. Je le félicitai alors sur la tournure heureuse qu’avaient prise ses affaires.
— Écoute, mon frère, me dit-il, et fais attention à mes paroles. Je te dois beaucoup, et je suis venu payer mes dettes. Tu m’as sauvé la vie, car tu connais bonne médecine. Tu as fait plus, car tu connais aussi les paroles qui entrent dans le cœur : d’un chien d’ivrogne que j’étais, je suis redevenu l’homme que le Grand-Esprit a créé. Tu étais riche, quand tu vivais de l’autre côté du grand lac. Ce wigwam est trop étroit pour toi : construis-en un qui puisse contenir ton grand cœur. Toutes ces marchandises t’appartiennent.
Je fus touché jusqu’aux larmes de cet acte de gratitude de la part de cet homme primitif : j’avais donc trouvé deux hommes reconnaissants dans tout le cours d’une longue vie : le fidèle André, mon frère de lait, et ce pauvre enfant de la nature qui, voyant que je ne voulais accepter de ces dons qu’une paire de souliers de caribou, poussa son cri aigu « houa, » en se frappant la bouche de trois doigts, et se sauva à toutes