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LES ANCIENS CANADIENS.

pour faire la collecte pendant la messe solennelle, célébrée en l’honneur du saint patron de la paroisse. Ce n’était pas petite besogne que la confection de ce pain bénit et de ses accessoires de cousins (gâteaux), pour la multitude qui se pressait, non seulement dans l’église, mais aussi en dehors du temple, dont toutes les portes restaient ouvertes, afin de permettre à tout le monde de prendre part au saint sacrifice.

Il était entendu que le seigneur et ses amis dînaient, ce jour-là, au presbytère, et que le curé et les siens soupaient au manoir seigneurial. Un grand nombre d’habitants, trop éloignés de leurs maisons pour y aller et en revenir entre la messe et les vêpres, prenaient leur repas dans le petit bois de cèdres, de sapins et d’épinettes qui couvrait le vallon, entre l’église et le fleuve Saint-Laurent. Rien de plus gai, de plus pittoresque que ces groupes assis sur la mousse ou sur l’herbe fraîche, autour de nappes éclatantes de blancheur, étendues sur ces tapis de verdure. Le curé et ses hôtes ne manquaient jamais de leur faire visite et d’échanger, avec les notables, quelques paroles d’amitié.

De tous côtés s’élevaient des abris, espèces de wigwams, couverts de branches d’érable et de bois résineux, où l’on débitait des rafraîchissements. Les traiteurs criaient sans cesse d’une voix monotone, en accentuant fortement le premier et le dernier mot : À la bonne bière ! Au bon raisin ! À la bonne pimprenelle ! Et les papas et les jeunes amoureux, stimulés pour l’occasion, tiraient avec lenteur, du fond de leur gousset, de quoi régaler les enfants et la créature !

Les Canadiens de la campagne avaient conservé une cérémonie bien touchante de leurs ancêtres nor-