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LES ANCIENS CANADIENS

garde pas même rancune au chat glouton qui, l’année précédente, avait croqué, tout vif, un jeune rossignol privé, dont il raffolait et qu’il se proposait d’apporter au collége. Il est bien vrai, que dans un premier mouvement de colère, il l’avait poursuivi avec un gourdin sous les tables, sous les lits, et même jusque sous le toit de la maison, où le méchant animal s’était réfugié, comme dans une forteresse inexpugnable. Mais il lui a pardonné ses forfaits, et il s’informe de sa santé.

— Ah ça ! dit Baron le traversier qui prenait peu d’intérêt à cette scène, ah çà ! dit-il d’un ton bourru, quand vous aurez fini de vous lécher et de parler chien et matou, vous plairait-il d’avancer ? la marée n’attend personne.

Malgré l’impatience et la mauvaise humeur de Baron, les adieux des jeunes gens à leurs amis de collége, furent longs et touchants. Les régents les embrassèrent avec tendresse.

— Vous allez suivre tous deux la carrière des armes, leur dit le supérieur ; exposés, sans cesse, à perdre la vie sur les champs de bataille, vous devez doublement aimer et servir le bon Dieu. S’il est dans les décrets de la Providence que vous succombiez, soyez prêts en tout temps, à vous présenter à son tribunal avec une conscience pure. Que votre cri de guerre soit : mon Dieu, mon roi, ma patrie !

Les dernières paroles d’Arché furent :

— Adieu, vous tous qui avez ouvert vos bras et vos cœurs à l’enfant proscrit ; adieu, amis généreux, dont les efforts constants ont été de faire oublier au pauvre exilé qu’il appartenait à une race étrangère à la vôtre ! Adieu ! Adieu ! peut-être pour toujours.