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LES ANCIENS CANADIENS.

Davi Larouche était établi, il y a longtemps de ça, dans la paroisse de Saint-Roch. C’était un assez bon habitant, ni trop riche, ni trop pauvre : il tenait le mitant. Il me ressemblait le cher homme, il n’était guère futé ; ce qui ne l’empêchait pas de rouler proprement parmi le monde.

Si donc que Davi se lève un matin plus de bonne heure que de coutume, va faire son train aux bâtiments (étable, écurie), revient à la maison, se fait la barbe comme un dimanche, et s’habille de son mieux.

— Où vas-tu, mon homme, que lui dit sa femme ? comme tu t’es mis faraud ! Vas-tu voir les filles ?

Vous entendez que tout ce qu’elle en disait était histoire de farce : elle savait ben que son mari était honteux avec les femmes et point carnassier pour la créature ; mais la Tèque (Thècle) tenait de son oncle Bernuchon Castonguay le plus facieux (facétieux) corps de toute la côte du sud. Elle disait souvent en montrant son mari : vous voyez ben ce grand hébété-là (vous l’excuserez, dit José, ce n’était guère poli d’une femme à son mari,) eh bien ! il n’aurait jamais eu le courage de me demander en mariage, moi, la plus jolie créature de la paroisse, si je n’avais fait au moins la moitié du chemin ; et pourtant les yeux lui en flambaient dans la tête quand il me voyait ! J’eus donc compassion de lui, car il ne se pressait guère : il est vrai que j’étais un peu plus pressée que lui ; il avait quatre bons arpents de terre sous les pieds, et moi je n’avais que mon gentil corps.

Elle mentait un peu, la farceuse, ajouta José : elle avait une vache, une taure d’un an, six mères moutonnes, son rouet, un coffre si plein de hardes qu’il