- Un tel malheur serait le mien !
- Vit-on jamais coup plus terrible ?
- J’étais riche… et je n’ai plus rien !…
- Ô ciel ! ô ciel ! est-il possible !
- Un tel malheur serait le sien !
- Vit-on jamais coup plus terrible ?
- Il était riche… Il n’a plus rien !
- Adieu riche parure,
- Te voilà, maintenant,
- Sans cheval ni voiture
- Gros-Jean comme devant.
- Si c’est un mauvais rêve,
- Mon Dieu réveillez-moi !
- Empêchez qu’il s’achève !…
- Ami, reviens à toi !…
- Non, ma tête s’égare,
- Et je m’en vais, soudain,
- Rejoindre ma guitare
- Dans le fond du ravin !
- Ah ! quel dessein funeste !
- Oui, j’y suis résolu !…
- quand je te reste, Ici,
- Tu n’as pas tout perdu !
- Maudite chance !
- Que devenir ?
- Plus d’espérance,
- Faut en finir !…
- Terrible chance,
- Que devenir ?
- Plus d’espérance,
- Il veut périr !
- Ici la chance
- Vient le punir :
- Déjà commence
- Son repentir…
Eh bien ! eh bien, garçon, où allez-vous ?
Je vais piquer une tête.
Minute… si vous vous tuez, qu’est-ce qui me paiera ?…
Quoi ?
Ce que je vous ai vendu… et ce que je vous ai prêté pour acheter toutes ces braveries-là. (Il montre les habits neufs de Frantz.)
Ah ! oui… c’est vrai… mais aussi c’est vous qu’êtes cause de tout… sans vous je n’aurais pas cru que j’avais gagné cent mille florins… je ne me serais pas conduit comme un gredin fini avec la pauvre Grittly… je ne l’aurais pas fait pleurer !… Ma débâcle, je l’ai méritée… mon chagrin… je te le pardonne… mais celui de Grittly, tu vas me le payer. (Il saisit son bâton et s’élance sur Berthold.)
Frantz, est-ce ainsi qu’un honnête homme paye ses dettes ?…
C’est vrai !… encore une gredinerie que tu m’épargnes. (À Berthold.) Eh bien ! oui, puisque je vous dois, je vous payerai… Je n’ai pas d’argent… mais je serai votre domestique… Je porterai votre ormoire, et si vous pouvez seulement acheter une autre guitare pour Grittly…
C’est dit, j’accepte.
Vrai ? (À Grittly.) C’est un brave homme tout de même.
Mais il va falloir vous séparer.
Nous séparer !
Dame !… n’allez-vous pas à Strasbourg, mon enfant ?
Oh ! oui… Pauvre sœur !
Et moi, je lui tourne le dos directement à Strasbourg.
Nous séparer ! (Frantz tire machinalement son foulard pour essuyer ses larmes ; en le reconnaissant, il le jette avec colère.)
Va-t’en, toi ! (Il s’essuie les yeux avec sa manche, puis apercevant son habit, il l’ôte ainsi que son gilet, sa cravate, son chapeau, et jette le tout en criant :) Toi aussi… toi aussi… (Il fait le geste d’ôter sa culotte, Berthold l’arrête.) Ah ! c’est juste !… c’est à moi… mais c’est égal !… je n’ai qu’une parole… me v’là prêt à vous suivre… Voyons, ne pleure pas, Grittly… sois un homme… fais comme moi… (Il pleure.) Sommes-nous un homme ou ne sommes-nous pas un homme ?… Si nous sommes un homme… soyons un homme ! (Allant prendre la balle du colporteur.) Et vous allez comme ça ?
Oh ! loin d’ici… du côté d’Inspruck…
Dans le Tyrol ?
À Steinach !
À Steinach !.. notre endroit !
Et le mien aussi.
Ah ! bah !
Oui, je vais dans la famille de ma femme… qui me croyait mort !
Oh ! mon Dieu !…
Après ça, je pense à une chose… si cette séparation vous chagrine trop…
Si ça nous chagrine !
Je pourrais bien d’abord aller donner de mes nouvelles à Strasbourg.
À Strasbourg !.. vous y connaissez quelqu’un ?
Pardine… j’y connais… ma femme.
Votre femme… et elle s’appelle ?
Madeleine.
Madeleine Berthold ?
Vous la connaissez ?
C’est |
|
ma sa |
|
sœur. |
Bah ! alors je suis…
Joseph ?
Berthold ?
Mon…
Son…
Votre…
Beau-frère !
Eh ! oui. (Il tend les bras à Grittly.)
C’est-il Dieu possible !
Et moi… et moi… Je suis le petit Frantz Schniffourchagrozerff… neveu de mes tantes Tschurtschentaler, Oberlindober et Berderlunger.