Page:De Forges et Laurencin - Le 66!.djvu/4

Cette page a été validée par deux contributeurs.
FRANTZ.
––––––Second lot… Ah !…
BERTHOLD.
––––––Second lot… Ah !… Quatre-vingt-seize.
FBANTZ.
––––––Ce n’est pas ça…
BERTHOLD.
––––––Ce n’est pas ça… Non ?…
GRITTLY.
––––––Ce n’est pas ça… Non ?… Poursuivez…
BERTHOLD.
––––––Troisième lot…
FRANTZ.
––––––Troisième lot… Ah !…
BERTHOLD.
––––––Troisième lot… Ah !… Deux cent trente.
FRANTZ, pleurant presque.
––––––Ce n’est pas ça…
(À Grittly.)
––––––Ce n’est pas ça… Comment ! tu ris !…
BERTHOLD.
––––––Quatrième…
FRANTZ.
––––––Quatrième… Ah !…
BERTHOLD.
––––––Quatrième… Ah !… C’est le soixante
FRANTZ.
––––––Ah !…
BERTHOLD, achevant.
––––––Ah !… Six…
FRANTZ, faisant un bond.
––––––Ah !… Six… Hein ?… Le ?…
BERTHOLD.
––––––Ah !… Six… Hein ?… Le ?… Soixante-six…
FRANTZ, à Grittly.
––––––Soutiens-moi… je m’évanouis !…
BERTHOLD.
––––––Quoi ! vous auriez ?…
FRANTZ, lui présentant son numéro.
––––––Quoi ! vous auriez ?…Voyez vous-même.
BERTHOLD, l’examinant.
––––––Mais en effet…
FRANTZ.
Mais en effet… Heureux destins !…
GRITTLY.
––––––Il a gagné !…
FRANTZ.
––––––Il a gagné !… Bonheur extrême !
GRITTLY.
––––––Et combien ?…
BERTHOLD, avec éclat.
––––––Et combien ?… Cent mille florins !…
(Frantz reste un moment comme anéanti, puis tout d’un coup il se met à danser en manifestant la plus grande joie.)
FRANTZ.
AIR
–––––––––À moi l’opulence ;
–––––––––À moi les écus ;
–––––––––Vive la bombance.
–––––––––Je suis un crésus !
–––––––––Je veux en carrosse,
–––––––––Désormais chanter,
–––––––––Et faire la noce
–––––––––Sans jamais compter…
–––––––––En riches toilettes,
–––––––––Je vais m’étaler,
–––––––––Bientôt de mes fêtes,
–––––––––Chacun va parler !
–––––––––Car j’ai l’opulence
–––––––––Et beaucoup d’écus ;
–––––––––Vive la bombance,
–––––––––Je suis un crésus,
–––––––––Vivent les crésus !
–––––––––Grâce à leurs écus,
–––––––––Partout bien venus,
–––––––––Partout bien reçus,
–––––––––Borgnes et bossus,
–––––––––Bancroches, tortus,
–––––––––Obtus, saugrenus,
–––––––––Dès qu’ils sont cossus,
–––––––––Ils sont bien venus,
–––––––––Et les mieux reçus !
–––––––––Vivent les écus,
–––––––––Les petits écus,
–––––––––Et les gros écus,
–––––––––Et tous les écus.
REPRISE ENSEMBLE.
–––––––––À moi l’opulence,
–––––––––À moi les écus ;
–––––––––Vive la bombance,
–––––––––Je suis un crésus !
BERTHOLD ET GRITTLY.
–––––––––À lui l’opulence,
–––––––––À lui les écus ;
–––––––––Pour lui quelle chance !
–––––––––C’est un vrai crésus !
FRANTZ, dansant.

Ohé !… ohé !… j’ai envie de rire… j’ai envie de pleurer… j’ai envie de danser… Embrassez-moi, Grittly… Et vous aussi, colporteur de mon cœur…

GRITTLY.

Seigneur !… est-ce qu’il devient fou !…

FRANTZ, à Berthold.

Donnez-m’en un tout de suite.

BERTHOLD.

Un quoi ?

FRANTZ.

Un… de soie donc… (Criant.) Un mouchoir… et une cravate… envoie aussi… quoi encore !… ah ! des souliers…

GRITTLY, criant.

En soie ?…

FRANTZ.

Toujours… sans clous…

GRITTLY.

Eh bien ! et les cailloux…

FRANTZ.

Les cailloux !… je m’en moque pas mal !… Est-ce que tu t’imagines que je vas continuer ma route à pied ?…

GRITTLY.

Décidément sa tête déménage.

FRANTZ.

Oui, c’est dit, j’achète un cheval… une carriole… (À Berthold.) Je le peux, pas vrai ?

BERTHOLD.

Comment donc !

FRANTZ.

Et nous monterons tous dedans… Toi… moi… le cheval… et lui aussi.

GRITTLY, riant.

Et nos guitares ?

FRANTZ.

Aussi, c’est-à-dire non… Qu’est-ce que nous avons besoin de nous embarrasser de tout ça à présent. (À Berthold en lui présentant une des guitares.) Voulez-vous les acheter ?

BERTHOLD.

Bien obligé… j’en porte déjà assez !

FRANTZ.

Une fois… deux fois, vous n’en voulez pas ?… Alors, bonsoir… (Il lance la guitare dans le ravin ; on l’entend rouler et se briser.)

GRITTLY

Ah !… Frantz… c’est mal !… c’est bien mal !… (Elle regarde, puis descend précipitamment dans le ravin.)


Scène III.

FRANTZ, BERTHOLD.
FRANTZ.

Eh ben !… eh ben ! Grittly… Où va-t-elle ?… comme si nous avions besoin maintenant de ces chaudrons là…

BERTHOLD, étalant des mouchoirs qu’il a pris dans sa boîte.

Tenez, jeune homme… ça vous convient-il ?

FRANTZ, en admiration.

Superbe ! magnifique ! (Il en prend un.) D’abord, celui-là pour moi… Oh ! mon rêve ! mon rêve !… (Il se mouche bruyamment.) Ah ! que c’est bon !… ça donnerait envie ne s’enrhumer… (Prenant un autre foulard que Berthold lui présente.) Et puis celui-ci…

BERTHOLD.

Pour la petite ?…

FRANTZ.

Non… pour moi encore… et puis ce n’est pas tout, père cloporte… colporteur…, il me faut des z’hardes…

BERTHOLD.

Pour la petite ?…

FRANTZ

Eh ! non… pour moi… maintenant que je suis calé, je ne peux plus rester dans cette tenue-là… je veux tout ce qu’il y a de plus bon genre.

BERTHOLD.

C’est facile, mon garçon, la ville est à deux pas.

FRANTZ

Oui, mais c’est que…

BERTHOLD.

Eh bien ! est-ce que je ne suis pas là… Entre amis…