— D’où viennent ces beaux brimborions, meſſire ? n’eſt-ce point du cornier qui croît endéans le clos des vieux maris ? Qui dira maintenant que les cocus sont des gens inutiles en une république ?
Et Ulenſpiegel montrait dans le cadre, à côté de l’arbuſte, son jeune viſage.
Le vieil homme, en l’entendant, touſſait de male rage, mais sa mignonne le calmait de la main, &, souriant, venait à Ulenſpiegel.
— Et mon miroir, diſait-elle, me le montreras-tu ?
— Viens plus près, répondait Ulenſpiegel.
Elle obéiſſait. Lui alors, la baiſant où il pouvait :
— Ton miroir, diſait-il, c’eſt roide jeuneſſe demeurant ès braguettes hautaines.
Et la mignonne s’en allait auſſi, non sans lui avoir baillé un ou deux florins.
Au moine gras & lippu qui lui demandait de voir son être préſent & futur repréſenté, Ulenſpiegel répondait :
— Tu es armoire à jambon, auſſi seras-tu cellier à cervoiſe ; car sel appelle buverie, n’eſt-il pas vrai, groſſe bedaine ? Donne-moi un patard pour n’avoir pas menti.
— Mon fils, répondait le moine, nous ne portons jamais d’argent.
— C’eſt donc que l’argent te porte, répondait Ulenſpiegel, car je sais que tu le mets entre deux semelles sous tes pieds. Donne-moi ta sandale.
Mais le moine :
— Mon fils, c’eſt le bien du couvent ; j’en tirerai toutefois, s’il le faut, deux patards pour ta peine.
Le moine les donna, Ulenſpiegel les reçut gracieuſement.
Ainſi montrait-il leur miroir à ceux de Damme, de Bruges, de Blankenberghe, voire même d’Oſtende.
Et au lieu de leur dire en son langage flamand : « Ik ben u lieden spiegel, je suis votre miroir, » il leur diſait abréviant : « Ik ben ulen spiegel », ainſi que cela se dit encore préſentement dans l’Ooſt & la Weſt-Flandre.
Et de là lui vint son surnom d’Ulenſpiegel.