Page:De Coster - La Légende d’Ulenspiegel, 1869.djvu/331

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— C’eſt, dit l’hôte, que nous y mettons de la cannelle & de l’herbe aux chats.

Puis parlant à Ulenſpiegel :

— Edzard, comte de Friſe, eſt-il toujours l’ami du prince ?

Ulenſpiegel répondit :

— Il s’en cache, tout en donnant à Emden aſile à ses navires.

Et il ajouta :

— Nous devons aller à Maeſtricht.

— Tu ne le pourras point, dit l’hôte ; l’armée du duc eſt devant la ville & aux alentours.

Puis, le conduiſant au grenier, il lui montra au loin les enſeignes & guidons des cavaliers & piétons, chevauchant & marchant dans la campagne.

Ulenſpiegel dit :

— Je paſſerai au travers si vous, qui êtes puiſſant en ce lieu, me baillez permiſſion de me marier. Quant à la femme, il me la faut mignonne, douce & belle, & voulant m’épouſer, sinon pour toujours, au moins pour une semaine.

Lamme soupirait & diſait :

— Ne le fais point, mon fils, elle te laiſſerait seul, brûlant au feu d’amour. Ton lit, où tu dors si coiment, te sera comme matelas de houx, t’enlevant le doux sommeil.

— Je prendrai femme, répondit Ulenſpiegel.

Et Lamme, ne trouvant plus rien sur la table, fut bien marri. Toutefois ayant découvert des caſtrelins dans une écuelle, il les croqua mélancoliquement.

Ulenſpiegel diſait à Thomas Utenhove :

— Or çà, à boire çà, baillez-moi une femme riche ou pauvre. Je vais avec elle à l’égliſe & fais bénir le mariage par le curé. Celui-ci nous donne le certificat d’épouſaille, non valable puiſqu’il eſt d’un papiſte inquiſiteur ; nous y faiſons stipuler que nous sommes tous bons chrétiens, ayant confeſſé & communié, vivant apoſtoliquement suivant les préceptes de notre sainte mère Égliſe romaine, qui brûle ses enfants, & appelant ainſi sur nous les bénédictions de notre saint-père le Pape, des armées céleſte & terreſtre, des saints, des saintes, des doyens, curés, moines, soudards, happe-chair & autres bélitres. Munis dudit certificat, nous faiſons les préparatifs du voyage accoutumé du feſtoiement de noces.

— Mais la femme ? dit Thomas Utenhove.