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de lui une somme d’argent très-groſſe, sans doute, & n’avait pas donné la moindre robe à Notre-Dame.

Claes & Soetkin furent heureux, Claes travaillant aux champs ou vendant son charbon, & Soetkin se montrant au logis vaillante ménagère.

Mais Soetkin, toujours dolente, cherchait sans ceſſe, des yeux, sur les chemins son fils Ulenſpiegel.

Et tous trois goûtèrent le bonheur qui leur venait de Dieu en attendant ce qui leur devait venir des hommes.


LII


L’empereur Charles reçut ce jour-là d’Angleterre une lettre dans laquelle son fils lui diſait :

« Monſieur & père,

« Il me déplaît de devoir vivre en ce pays où pullulent, comme puces, chenilles & sauterelles, les maudits hérétiques. Le feu & le glaive ne seraient de trop pour les ôter du tronc de l’arbre vivifiant qui eſt notre mère Sainte Égliſe. Comme si ce n’était pas aſſez pour moi de ce chagrin, encore faut-il qu’on ne me regarde point comme un roi, mais comme le mari de leur reine, n’ayant sans elle aucune autorité. Ils se gauſſent de moi, diſant en de méchants pamphlets dont nul ne peut trouver les auteurs ni imprimeurs, que le Pape me paye pour troubler & gâter le royaume par pendaiſons & brûlements impies, & quand je veux lever sur eux quelque urgente contribution, car ils me laiſſent souvent sans argent, par malice, ils me répondent en de méchants paſquins que je n’ai qu’à en demander à Satan pour qui je travaille. Ceux du Parlement s’excuſent & font le gros dos de peur que je ne morde, mais ils n’accordent rien.

« Cependant les murs de Londres sont couverts de paſquins me repréſentant comme un parricide prêt à frapper Votre Majeſté pour hériter d’elle.

« Mais vous savez, Monſeigneur & père, que, nonobſtant toute ambition