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une dame de la ville, mais elle ne trompera jamais son mari celle-là. Il ne faut pas rougir madame. Ho ! il se passe au monde des choses que Dieu ne devrait pas permettre ! Elle prit Anna par le bras : Tenez, dit-elle en la faisant entrer dans une grande cuisine de paysans, vous voyez là dans ce fond, à l’ombre, sur cette chaise, un être pâle et malade. Eh bien, c’est mon fils ça. — Comment es-tu maintenant mon garçon ? L’homme hocha la tête et montra sa gorge avec un geste atroce. — Pauvre muet, dit la mère, je ne sais pourquoi je veux toujours te faire parler, mais la parole te reviendra mon fils, c’est ta mère qui te le dit. Il n’a pas l’air méchant : N’est-ce pas, qu’on n’eut pas dû lui faire de mal ? Et il n’est pas laid : Si vous le voyiez au grand jour. Eh bien il y a deux ans, ce malheureux a épousé une fille de Boendael, celle que vous avez vu passer tantôt et qu’on a tuée en route, j’espère. — L’homme gémissait. — Ne pleure pas, mon fils, tout est fini. Cette fille l’a donc épousé, non qu’elle l’aimât beaucoup, mais j’avais donné à mon enfant quelques bons mille francs, quatre paires de chevaux, autant de bœufs et de vaches et une quarantaine de moutons. C’était alors un des beaux garçons du village, quand tout à coup il y a un an, je ne sais comment cela est arrivé, il a perdu l’usage de ses membres. La coquine que vous avez vu courir et qui est sa femme a