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qui jetait par torrents sa lumière fécondante sur la terre gorgée de vie. Anna baissait la tête et songeait à Ottevaere.

La promenade d’Isaac et d’Anna fut monotone, comme il arrive chaque fois que deux compagnons de route sont absorbés chacun par une pensée particulière. Ils arrivèrent tous deux près de Dilbeek. Soudain ils entendirent des cris, ils virent s’élever au loin une épaisse poussière, une troupe parut, ils ne distinguèrent d’abord rien au milieu de la poussière que les points blancs des visages et le ton bleu des blouses, mais ils frémirent d’horreur quand ils purent voir distinctement passer devant eux, rapide comme le vent, une femme suivie d’une hurlante escorte de gamins. Le visage de cette femme était beau, froid et dur, ses cheveux dénoués lui tombaient sur les épaules, une large égratignure marquait de sang l’une de ses joues, son mouchoir était détaché et lui tombait sur le dos, ses jambes étaient nues. Son jupon en lambeaux semblait avoir été déchiré dans une lutte furieuse ; elle tenait à la main ses sabots pour mieux courir. Des pierres, du fumier, de la poussière pleuvaient sur elle. Parfois elle se retournait sur les gamins pour les menacer ou les maudire, mais alors les huées redoublaient et les pierres tombaient plus nom-