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moqueurs ceux qui avaient de l’esprit et de niais ceux qui étaient trop bons : elle joua avec ses amoureux comme un chat avec un oiseau. Ces passe-temps suffisaient à sa pudique et vaillante nature. Il ne lui parut pas qu’elle pût jamais manquer de mari. Cependant les années s’envolèrent et l’horloge du temps sonna vingt-quatre ans pour l’étourdie. La fleur de beauté de Louise se fana, bien des papillons s’étaient envolés déjà, beaucoup d’autres ne tardèrent pas à les suivre. Elle était encore belle, mais elle l’était déjà moins. Elle commença de réfléchir, se fit moins fière et se dit à elle-même que le mariage est un grand sacrement qu’elle voudrait à tout prix recevoir, qu’un peu d’embonpoint sied bien à un homme ; que l’esprit n’est point de la raillerie ni la bonté un cas pendable. Enfin elle désira vivement le mariage. Ce désir devint bientôt public, et la rendit ridicule. Quatre ans se passèrent durant lesquels les paysans d’Uccle et des environs semblèrent s’être donné le mot pour que pas un d’eux n’offrit à Louise de l’épouser.

La pauvre fille s’inquiéta sérieusement de son avenir et en désespéra ; sa santé s’affaiblit, ses yeux se creusèrent et se cernèrent, un feu sourd y brilla, le blanc jaunit légèrement ; le front eut quelques rides ; le visage brûlé par l’inquiétude fondit comme la cire au feu ; le menton sembla