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chante la fauvette ou le rossignol est aussitôt par eux répété, et Dieu sait comment alors le doux chant est travesti en un métallique piaulement. Les oiseaux, madame, vous adressent en masse une humble requête, à l’effet de les débarrasser de ces faux savants, de ces pédants et de ces plagiaires.

» Je ne sais si vous avez jamais ouï parler des coucous pleurards. Ces oiseaux se croient poëtes et ne sont que malades. Leur chant est doux quelquefois, mais le plus souvent monotone et fade. Ils célèbrent non pas la mélancolie résultant des profondes pensées, ni la douleur qu’engendre la mauvaise fortune, mais cette tristesse qui se caresse, se choie, s’aime, et ne pleure que parce qu’elle n’a pas la force de vouloir rire. Ils visent à des succès de sentiment, et se prétendent les plus grands cœurs de toute la gent ailée. Des larmes fréquentes prouvent, disent-ils, la beauté d’un caractère. Pendant quelque temps le succès a couronné leurs mélancoliques efforts… mais ils déclinent beaucoup aujourd’hui, car on s’est aperçu que les coucous pleurards ne sont au fond que des égoïstes. Ils ont cependant encore quelques adeptes, mais jusqu’à ce qu’ils s’amendent, on les a relégués en un coin de la forêt ; et l’on a fondé un prix trimestriel décerné à la chanson la moins intime et la moins personnelle. Ainsi l’on en a converti quelques-uns. Les oiseaux, madame, vous recommandent les autres.