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ADO ADO

plus profonde qu’elle ne paroiſſoit l’être, & la Déeſſe y fut trompée elle-même : elle devint ſenſible aux charmes d’Adonis, & paya par-là la peine de la paſſion inſenſée qu’elle avoit inſpirée à Myrrha pour ſon père. Uniquement occupée de ſon amant, elle ne peut plus ſupporter le ſéjour de Cythère, de Paphos, de Gnide & d’Amathonte ; l’Olympe même lui paroît ennuyeux. Enfin cette Déeſſe qui juſqu’alors ne s’étoit occupée que de ſa beauté, court ſans ceſſe, pieds nuds, à travers les rochers avec ſon amant ; elle anime les chiens, & pourſuit tous les animaux qu’on peut courir ſans riſque, comme les lièvres, le cerfs, &c. mais elle évite les bêtes furieuſes, & tâche d’inſpirer la même précaution à ſon amant. Un jour qu’elle l’avoit beaucoup exhorté à ſuivre ce conſeil, elle le quitta un moment pour faire un tour en Chypre. Adonis fut à peine ſeul, qu’il part pour la chaſſe, & bleſſe un ſanglier énorme, qui pourſuit Adonis, lui enfonce ſes défenſes dans l’aîne, & le renverſe mourant ſur la pouſſière. Venus, rappelée par ſes cris, le trouve baigné dans ſon ſang, & prêt à expirer ; elle le changea en Anémone.

Après ſa mort, Proſerpine conſentit à ne l’avoir que ſix mois, & à le laiſſer pendant les ſix autres mois à Venus. Cette prétendue réſurrection le fit mettre au rang des Dieux ; & ſon culte commença dans la Phénicie où ce Prince a regné, & de-là ſe répandit dans les pays voiſins, en Égypte, où l’on appelloit Adonis Oſiris, & quelquefois Thamnus, dans l’Aſſyrie, & même dans la Judée ; car les Prophêtes l’ont ſouvent reproché aux Juifs. De la Syrie, il paſſa dans la Perſe, dans l’Iſle de Chypre, & enfin dans la Grèce. Sa fête duroit huit jours, & commençoit dans le temps où les eaux du fleuve Adonis, qui tombe du Liban, ſont chargées d’une couleur rougeâtre, qu’elles conſervent aſſez avant dans la mer : c’eſt ce qui arrive quand, groſſies par les pluies, elles entraînent une terre rouge. Mais les femmes de Syrie, qui croyoient qu’Adonis avoit reçu ſa bleſſure ſur le Mont Liban, s’imaginoient que cette bleſſure, qui ſe renouvelloit tous les ans, cauſoit cette teinture, qui étoit le ſignal pour la célèbration des Adonies. Toute la ville commençoit d’abord à prendre le deuil, & à donner des marques publiques d’affliction : on n’entendoit de tous côtés que pleurs & gémiſſemens : les femmes qui étoient les Miniſtres de ce culte, couroient les rues la tête raſée, & en ſe frappant la poitrine. À Alexan-