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& de la ſanté ; cependant, vous vous portés bien, que ne travaillez vous, ſort de la bouche des moins inhumains ? tant notre faculté de juger par analogie eſt bornée ; tant nous ſommes condamnés à mal juger de tout ce que nous n’avons pas vu ſans ceſſe ou étudié à fond.

Ô flatterie ! avez-vous jamais oſé dire à un Roi que la nature a ſoin autant que la fortune, de privilégier les Rois ? non, vous n’avez pas oſé prononcer ce menſonge abſurde ; & pourtant c’eſt ce qui devroit être, pour qu’un Roi né pour le trône, & élevé à l’abri des revers, fut comme un autre homme. Il faudroit que la nature l’eût doué d’une pénétration telle, qu’il jugeat bien de ce qu’il n’a fait qu’appercevoir, & même de ce qu’il n’entrevît jamais ; ou, ſi nous voulons imaginer un autre miracle, il faudroit qu’ayant deviné ce qu’il lui importe de ſavoir, il eut la perſévérance & le courage inoui de ne ſe contenter d’aucune demi-lumiere, de chercher des gens & des livres & de les interroger juſqu’à ce qu’il ſut. Voilà ce qu’il devroit faire dès l’enfance &