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DAUBIN L’ANCIEN


À M. le Professeur O. L.


Daubin était notre aîné à tous. De quoi vivait-il ? Il ne faisait rien, car une maigre rente suffisait à ses besoins de bohème. Oui, il était bien resté bohème… des derniers peut-être ? Au fait, aurait-il pu mener une autre vie ? N’était-il pas orphelin ? Sa vraie famille se bornait à notre compagnie, troupe de jeunes philosophes turbulents et obscurs. Au milieu de nous, il pérorait, donnait des conseils presque paternels sur nos cours (qu’il n’avait jamais suivis), sur le billard (où il était généralement dans son mauvais jour). Bon camarade, au demeurant, aimant les cartes et les ripailles et affectant le dédain de la femme. Il avait adopté le genre « poète désenchanté » qui plaisait beaucoup.

Quant au physique, représentez-vous un Daubin, grand, assez bien fait, une soyeuse moustache blonde lui barrant le visage, un front agrandi par une précoce calvitie, les yeux vifs, intelligents. Avec ça, un éternel sourire qu’il opposait à l’adversité des choses. Il citait du reste souvent.